L’IA s’invite dans l’entreprise : entre fascination et incertitude

Nous ne sommes peut-être pas à la veille d’une révolution. Nous y sommes déjà. Ce constat, partagé à voix basse dans certaines directions générales, commence à prendre forme dans les couloirs des entreprises, bien au-delà du service innovation. En l’espace de quelques mois, l’intelligence artificielle est passée du statut de sujet de veille technologique à celui de véritable catalyseur de transformation. Là où l’on évoquait encore récemment l’IA comme une possibilité à explorer, elle est aujourd’hui mise à l’essai dans des cas très concrets. Et, pour certains, elle bouleverse déjà les façons de travailler.

Une transition invisible… mais réelle

L’IA ne s’est pas imposée avec fracas. Elle a plutôt glissé dans nos routines, souvent sans prévenir : ici, une fonction d’autocomplétion améliorée dans Word ; là, une boîte de dialogue qui résume un échange client ; ailleurs, un outil qui génère un premier jet d’analyse.

Ce sont des détails, mais ces détails changent tout.

Chez l’un de nos clients, un cabinet de conseil aux enjeux de confidentialité élevés, une équipe de fiscalistes a expérimenté un outil d’IA générative pour automatiser des recherches doctrinales. L’idée n’était pas de remplacer les experts, mais d’accélérer la phase de cadrage. En théorie, cela devait leur faire gagner du temps. En pratique, cela a soulevé une série de questions inattendues :
– Peut-on faire confiance à un modèle statistique pour identifier une jurisprudence pertinente ?
– Comment s’assurer que l’information produite par l’IA est bien maîtrisée, contextualisée, validée ?
– Et surtout : que fait-on des intuitions humaines, du raisonnement juridique, du doute constructif ?

Des réactions contrastées

L’IA suscite autant d’enthousiasme que de prudence.

Les collaborateurs les plus jeunes, souvent plus à l’aise avec les outils numériques, y voient un levier pour réduire la pénibilité de certaines tâches chronophages. Ils y trouvent une forme de reconnaissance : enfin un outil qui leur parle, qui les aide à monter en compétences plus vite.

Mais cette même génération exprime aussi une forme d’inquiétude. Que reste-t-il de l’apprentissage quand les outils « pensent » à votre place ? Comment se forger un jugement professionnel si l’on n’est plus confronté aux limites de sa propre analyse ?

Chez les plus expérimentés, la posture est souvent plus ambivalente : un mélange de méfiance et de curiosité. Certains y voient une perte de contrôle, d’autres une opportunité de revaloriser leur rôle de garant de la qualité. Car plus l’IA avance, plus l’humain devient un point d’ancrage indispensable.

Une certitude : nous ne savons pas encore jusqu’où cela ira

Le plus déstabilisant, finalement, n’est pas la technologie elle-même, mais ce qu’elle rend incertain.
Les modèles sont probabilistes, les réponses sont générées à partir de corpus sans transparence totale, et les biais sont réels. Dans ce contexte, la tentation de s’en remettre aveuglément à « ce que dit l’outil » est forte… mais dangereuse.

Les entreprises le sentent. Certaines mettent en place des comités internes pour encadrer les usages de l’IA. D’autres préfèrent restreindre, voire interdire son utilisation dans les services sensibles. La crainte d’exposer des données internes ou des dossiers clients confidentiels est légitime. Et pourtant, ne rien faire, c’est aussi courir le risque d’être dépassé.

Le véritable enjeu : évoluer… ou pas

Il n’y a pas de réponse unique. L’IA ne s’impose pas, elle questionne.

Elle interroge la façon dont on pense les métiers, les rôles, les processus, la formation, l’éthique. Et surtout, elle oblige chaque organisation à se positionner : voulons-nous expérimenter ? Encadrer ? Accélérer ? Ou temporiser ?

Ce choix ne peut être délégué ni repoussé. Il mérite d’être pensé avec rigueur, collectivement, sans précipitation mais sans aveuglement.

Points à retenir :

  • L’IA entre dans les entreprises sans stratégie globale mais avec des usages concrets.
  • Elle modifie en profondeur la manière dont les collaborateurs produisent, analysent et vérifient l’information.
  • L’encadrement de l’IA n’est pas uniquement technique : il est culturel, métier et éthique.
  • Ne pas trancher, c’est déjà prendre une position… par défaut.

Consulter notre publication sur l’impact dans les cabinets de conseils

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